À bien y penser

Notion de sémantique

Peut-être devrions-nous commencer par changer le langage associé à notre relation avec la vie et bannir l’expression « profiter de la vie », qui sous-entend l’idée de presque en abuser, par « entretenir la vie » : nous responsabiliser à la cultiver et à nous soucier de sa permanence.

— Marc-André Couillard

Opinion  Ressources naturelles

Choisissons la voie du pragmatisme

Exploiter de façon responsable nos hydrocarbures n’est pas incompatible avec nos ambitions en matière d’environnement

En tant qu’associations préoccupées par le développement économique du Québec, les récentes réponses du premier ministre aux questions qui lui ont été posées à l’égard des projets pétroliers dans l’île d’Anticosti et de la fin du recours au gaz naturel méritent que nous fassions part de notre point de vue.

Rappelons tout d’abord que le gouvernement actuel a mis en place un processus de consultation rigoureux qui vise à connaître les conditions adéquates qui permettraient d’envisager une exploitation responsable des hydrocarbures, tout en s’assurant qu’une telle exploitation favoriserait le développement économique du Québec et de ses régions.

De la même façon, en ce qui concerne nos besoins en gaz naturel, soulignons que le gouvernement actuel concluait, il y a un peu plus d’un an, une prise de participation de 50 millions de dollars dans une filiale spécialisée dans le marché du gaz naturel liquéfié (GNL) et que, plus récemment encore, il s’associait à un autre projet qui vise à approvisionner les industries de la Côte-Nord avec cette même source d’énergie. Le GNL, on le sait, est une nécessité à la réussite du Plan Nord, cher au Gouvernement du Québec.

Les besoins du Québec en hydrocarbures demeurent très importants et il en sera ainsi pour encore des décennies. Chaque année, nous consommons entre 12 et 14 milliards de dollars en hydrocarbures dont nous importons la presque totalité. Ce sont des sommes colossales qui profitent à des pays étrangers plutôt qu’à la collectivité québécoise. Cette situation pèse lourd sur notre économie et sur la balance commerciale largement déficitaire de la province. On doit dès lors reconnaître l’impact positif qu’aurait une exploitation locale des hydrocarbures.

Il ne fait pas de doute que nous nous dirigeons vers une économie moins dépendante aux hydrocarbures et que nous amorçons une époque transitoire quant à nos choix énergétiques. Nous croyons au verdissement de l’économie, à une économie avec un faible taux de gaz à effet de serre et nous ne faisons que commencer à voir les avantages économiques liés à l’économie verte.

Mais force est de constater qu’entre ce que l’on souhaite atteindre comme objectif et là où nous sommes aujourd’hui, cela prendra des décennies.

C’est pourquoi, sur cet enjeu fondamental, nous appelons à une approche réaliste et pragmatique. Exploiter de façon responsable nos hydrocarbures n’est pas incompatible avec nos ambitions en matière d’environnement. Au contraire, en contrôlant une partie de la production pour notre consommation, nous avons la possibilité d’établir des standards environnementaux parmi les plus élevés, des standards qui nous ressembleront.

L’occasion ainsi offerte aux Québécois de s’enrichir collectivement et d’en faire bénéficier toute la société doit donc aussi être une variable indissociable de l’équation qui servira à décider si le Québec doit exploiter ou non ses ressources pétrolières et gazières. La Norvège, avec son fonds de plus de 800 milliards constitué avec les redevances pétrolières, l’a bien compris. Elle offre de généreux incitatifs fiscaux pour l’achat de véhicules électriques grâce à ces redevances. Cela en fait le meilleur pays au monde au regard du nombre de véhicules électriques sur ses routes. Bref, la Norvège a fait la démonstration qu’il est possible de faire une exploitation responsable de ses hydrocarbures.

Alors que le développement des ressources naturelles a historiquement fait l’objet de larges consensus, il semble aujourd’hui que la simple réflexion sur l’exploitation responsable de ces ressources suffise à inspirer le doute, même chez nos décideurs politiques.

La découverte de ressources d’énergie fossile dans le sous-sol québécois nous impose une redéfinition de notre façon de voir l’exploitation du potentiel énergétique de notre province. Cet exercice, bien qu’exigeant, doit s’appuyer sur les données et les analyses sérieuses qui sont actuellement en cours. Si nous avons su faire de l’hydroélectricité une telle richesse collective et une fierté à l’échelle internationale, pourquoi n’en serait-il pas de même d’une exploitation responsable de nos hydrocarbures ?

* Françoise Bertrand, présidente-directrice générale, Fédération des chambres de commerce du Québec ; Yves-Thomas Dorval, président-directeur général, Conseil du patronat du Québec ; Martine Hébert, vice-présidente principale et porte-parole nationale, Fédération canadienne de l’entreprise indépendante

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.